L’argument des retombées économiques ne résiste pas à un examen rigoureux
L’une après l’autre, les études démontrent que les retombées potentielles de divers projets pourraient difficilement compenser les pertes catastrophiques qu’ils pourraient provoquer. Par exemple, dans son rapport rendu public en décembre 2014, le Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a conclu que même si le prix du gaz atteignait au cours des prochaines années un niveau permettant d’assurer la rentabilité de l’industrie, il n’est pas démontré que l’exploitation du gaz de schiste serait avantageuse pour le Québec « en raison de l’ampleur des impacts potentiels associés aux activités de l’industrie du gaz de schiste dans un milieu aussi peuplé et aussi sensible que les basses-terres du Saint-Laurent, en raison également des incertitudes qui subsistent quant aux impacts potentiels sur la qualité de l’eau des aquifères et à la capacité de l’industrie de préserver l’intégrité des puits à très long terme ». De même, le 13 août 2015, au terme d’une vaste enquête, la Commission de l’énergie de l’Ontario (CEO) concluait qu’il existe un déséquilibre entre les risques économiques et environnementaux du projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada et ses retombées attendues pour les Ontariens.
Indépendamment des risques de catastrophes inhérents aux projets, l’opportunité économique de développer la filière des hydrocarbures ne tient vraiment pas de l’évidence. Selon le Fonds monétaire international, le Canada subventionnera les énergies fossiles à la hauteur de 46 milliards $US ou 1 283 $US par personne en 2015. De plus, le poids considérable du pétrole dans l’économie canadienne a maintenu le dollar canadien à des niveaux élevés pendant plusieurs années et provoqué la perte de centaines de milliers d’emplois manufacturiers liés à l’exportation, surtout au Québec et en Ontario; la chute des cours pétroliers depuis la fin de 2014 a eu l’effet inverse mais le secteur manufacturier ne peut pas se remettre instantanément du choc qu’il a subi. Enfin, comme l’a souligné l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney, le Canada fait face à un risque d’effondrement des marchés dû à sa dépendance d’un secteur qui se rapproche de son déclin.
Intensif en capital et non en main-d’œuvre, le secteur pétrolier et gazier n’est pas non plus un bon créateur d’emplois. En d’autres termes, il crée de la richesse pour les investisseurs, dont 40 à 50 % sont étrangers, mais fait vivre peu de travailleurs par comparaison à d’autres activités. En 2010, l’apport de toutes les sources d’énergie au PIB canadien était de 6,8 %, alors que ce secteur représentait seulement 1,8 % des emplois directs au Canada. Par ailleurs, le secteur des énergies renouvelables génère plus d’emplois par mégawatt d’énergie installé, par unité d’énergie produite et par dollar investi que le secteur des énergies fossiles; les investissements en efficacité énergétique créent quatre fois plus d’emplois que des investissements équivalents dans les formes de production d’énergie conventionnelle. Enfin, dans le secteur du transport, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a déterminé que pour chaque tranche de 10 millions de dollars de dépenses, le transport en commun génère 1,7 fois plus d’emplois et 2,5 fois plus de valeur ajoutée pour le Québec que le transport privé en voiture.