Lettre ouverte publiée le 22 avril 2021
Depuis un an, nombreux sont celles et ceux qui appellent à une relance verte et juste permettant de faire face aux présentes crises climatiques, écologiques et sociales. Il existe en ce sens un vaste consensus. Pourtant, qu’avez-vous fait des occasions qui se sont offertes à vous dans ces domaines?
Votre Loi sur la gouvernance de la lutte contre les changements climatiques, adoptée le 22 octobre 2020, ne fixe aucune cible contraignante de réduction de gaz à effet de serre (GES), ne donne qu’un pouvoir consultatif au ministre de l’Environnement et n’impose aucun test climat aux différents ministères. Dévoilé en grande pompe le 16 novembre 2020, votre Plan pour une économie verte (PEV), s’il est pleinement réalisé, ne permettra d’atteindre que 42 % de l’objectif officiel de réduction des émissions de GES du Québec à l’horizon 2030. De surcroît, il n’intègre aucun levier d’action contre les inégalités sociales, alors qu’elles sont systématiquement accentuées par les dérèglements climatiques.
En vue d’une relance post-COVID-19, vous avez élaboré le projet de loi 61. Si, devant l’ire soulevée, vous l’avez remodelé en PL66, il n’en demeure pas moins que votre Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure, sanctionnée le 11 décembre 2020, affaiblit les exigences environnementales pour les projets visés. De plus, elle accorde au ministre de l’Environnement le pouvoir discrétionnaire d’assujettir ou non certains projets aux enquêtes du BAPE, restreignant ainsi la participation publique.
Le 25 février 2021, vous avez renforcé la perception du peu de cas que vous faites de l’Environnement en confiant une deuxième responsabilité, tout aussi lourde, à votre ministre de l’Environnement. Bien qu’il existe des liens étroits entre le racisme et la crise environnementale, cette désignation doublement partielle montre le peu d’importance accordée à ces enjeux par votre gouvernement. Commencer par reconnaître le principe de Joyce et le racisme systémique serait plus à propos.
Tout au long de l’année, vous vous êtes entêté à présenter le projet GNL Québec comme « bon pour la planète ». Loin de corriger le tir lors du dépôt de votre budget 2021-2022, le 25 mars 2021, vous avez réitéré votre conviction que le gaz fossile est une énergie de transition, au mépris de toutes les preuves scientifiques allant dans le sens contraire. Ce budget se distingue aussi par l’absence d’investissements significatifs dans la santé, l’éducation, le logement et la lutte contre la violence conjugale et la pauvreté. Des besoins sont ainsi ignorés, contribuant à exacerber les inégalités sociales.
Tous ces rendez-vous manqués nous mènent à ce constat : lorsque l’occasion s’offre à vous de tirer les leçons des crises en cours et de poser les jalons d’une société plus résiliente, écologique et juste, vous choisissez plutôt d’investir dans le vieux système économique. Ce choix nous conduit collectivement vers l’aggravation des crises actuelles et futures.
Nombre de propositions porteuses ont pourtant été formulées durant la dernière année. Notamment, la Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité du Front commun pour la transition énergétique, lancée à l’automne 2020, offre une vision d’ensemble menant à une transition vers un Québec zéro émission nette (ZéN), dans une perspective de justice sociale. Cette vision est portée par les 90 organisations membres du Front commun, issues d’horizons diversifiés et représentant plus de 1,8 million de personnes au Québec.
Si une pandémie mondiale causée par la destruction effrénée de la nature et révélatrice de toutes les inégalités ne suffit pas à vous convaincre de l’urgence d’agir dans ces domaines, qu’est ce qui le fera? Faudra-t-il donc faire la transition énergétique nécessaire envers et contre vous?