La pauvreté et l’itinérance au Québec : une crise invisible pour les femmes et les aînés

L’itinérance et la pauvreté au Québec ont pris une ampleur alarmante ces dernières années, touchant de manière disproportionnée les personnes âgées et les femmes. Cette situation critique, exacerbée par la pandémie de COVID-19, met en lumière les lacunes des politiques sociales et les angles morts d’un système à dominance patriarcale et capitaliste.

Pourquoi ? 

  • Inégalités économiques : Les femmes gagnent souvent moins que les hommes en raison de l’écart salarial persistant et de leur surreprésentation dans les emplois précaires et à temps partiel. Elles ont également moins de chances d’accumuler des économies et des actifs suffisants pour faire face à des crises financières.
  • Violence domestique et abus : De nombreuses femmes fuient des situations de violence domestique, ce qui peut les conduire à l’itinérance. Les refuges sont souvent pleins, et les femmes se retrouvent sans lieu sûr où aller.
  • Responsabilités familiales : Les femmes sont souvent les principales dispensatrices de soins pour les enfants et les membres âgés de la famille, ce qui peut limiter leurs opportunités de carrière et augmenter leur vulnérabilité économique.
  • Barrières structurelles : Les femmes rencontrent souvent des obstacles supplémentaires pour accéder à l’aide sociale, aux services de santé et aux programmes de réinsertion. Ces barrières peuvent être dues à des discriminations systémiques ou à un manque de ressources adaptées à leurs besoins spécifiques.

La situation de précarité en chiffres

Les données récentes révèlent une augmentation significative de l’itinérance chez les personnes âgées. Selon Alex-Ann Leclerc Mangana, intervenante au Pas de la rue, un organisme dédié aux personnes de plus de 55 ans en situation de précarité : « Il y a de plus en plus de personnes, de plus en plus âgées, qui se retrouvent pour la première fois en situation d’itinérance. On en voit davantage depuis la pandémie. Ça a été désastreux pour les gens qui étaient isolés ». Le dernier dénombrement publié en 2023 indique que 36 % des personnes en situation d’itinérance au Québec avaient plus de 50 ans en 2022, contre 32 % en 2018. Ces chiffres montrent une tendance inquiétante et une vulnérabilité croissante des aînés.

L’itinérance chez les femmes connaît également une augmentation exponentielle. En 2021, le refuge de la Mission Old Brewery a dû refuser 80 femmes par mois faute de places, soit 950 refus pour l’année. En 2023, ce nombre a grimpé à 203 refus mensuels, soit 2 432 pour l’année. Marie-Pier Therrien, directrice des communications de la Mission Old Brewery, souligne : « Les femmes qui viennent ici ont généralement épuisé tous leurs recours. Certaines ont peut-être été hébergées chez quelqu’un, une situation qui peut mener à de l’exploitation et de la violence ». Ces données illustrent l’urgence d’intervenir pour prévenir l’itinérance et protéger les femmes vulnérables.

Approche intersectionnelle 

Il est également important de noter que les femmes âgées subissent une double vulnérabilité. Elles peuvent faire face à la fois aux défis spécifiques aux femmes et à ceux liés au vieillissement. Les femmes âgées, ayant vécu des décennies d’inégalités salariales et de discriminations, se retrouvent souvent avec des économies et des pensions plus faibles que les hommes de leur âge. Elles sont aussi plus susceptibles de vivre seules après avoir perdu plus tôt leur conjoint, ce qui augmente leur risque de pauvreté et d’isolement.

Le concept de justice environnementale souligne la nécessité de protéger les droits et les besoins des populations les plus vulnérables dans la lutte contre les problèmes environnementaux. Ignorer les dimensions sociales dans les mouvements écologiques perpétue les inégalités et compromet l’efficacité des solutions proposées.

Les angles morts des mouvements écologiques

En parallèle, il est crucial de demeurer critique face aux mouvements écologiques et environnementaux qui omettent souvent de prendre en compte les dimensions sociales dans leurs revendications. Les solutions aux problèmes environnementaux qui n’intègrent pas les dimensions sociales risquent d’être inefficaces à long terme ou de créer encore plus d’inégalités et d’exclusions. La transition socio-écologique ne peut être véritablement juste et durable sans intégrer les enjeux de pauvreté et d’itinérance, par exemple. Les solutions écologiques doivent inclure des politiques de logement abordable, de soutien aux personnes vulnérables et de protection sociale pour prévenir l’exclusion et la précarité. La collaboration entre les organismes communautaires, les décideurs politiques et les mouvements écologiques est essentielle pour construire un avenir plus équitable et durable. Seule une approche intégrée et collaborative peut garantir une transition socio-écologique en protégeant les plus vulnérables de notre société.

À cet égard, la feuille de route du FCTÉ propose dans cette vision holistique un « soutien au leadership et à la participation des groupes marginalisés (femmes, personnes racisées, autochtones, personnes en situation de pauvreté, etc.) dans les processus décisionnels locaux, nationaux et internationaux en lien avec le réchauffement climatique par l’application d’approches anti-oppressives ».

Pour mieux adresser ces vulnérabilités, il est essentiel de reconnaître les dynamiques de pouvoir dans notre société qui maintiennent ces inégalités. Il est nécessaire de revendiquer une reconnaissance accrue du travail invisibilisé des femmes et de s’assurer que ces contributions soient prises en compte dans les politiques publiques. Les mouvements socio-environnementaux et les décideurs politiques doivent intégrer des perspectives de genre et d’âge dans leurs analyses et leurs actions pour créer des solutions plus inclusives et équitables.

Sources : 

– L’équipe du FCTÉ