Lettre ouverte à M. Philippe Couillard, Premier Ministre du Québec
Vendredi, 21 octobre 2016
Monsieur le Premier Ministre,
Avez-vous débranché votre téléphone ? Annulé votre connexion Internet ? Oublié de lire les journaux ? Bloqué votre télé sur une chaîne sportive ?
Voici une nouvelle pour vous : le projet de loi sur les hydrocarbures que votre gouvernement s’entête à enfoncer dans la gorge des Québécois.e.s ne passe pas. En fait, on a rarement vu une opposition aussi généralisée à un projet de loi.
Notez que les amendements présentés le 29 septembre n’atténuent en rien cette opposition, car ils ne répondent pas aux objections de fond ayant fusé de toutes parts. Votre engagement verbal, quant à une éventuelle suspension des permis dans les basses-Terres du Saint-Laurent, non plus. Trop restreint. Trop discrétionnaire.
Qui écouterez-vous ? La société québécoise ou les lobbyistes de l’industrie ?
Écouterez-vous l’Union des producteurs agricoles, qui demande de soustraire les zones agricoles au développement des hydrocarbures?
Écouterez-vous les deux principales centrales syndicales du Québec, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), qui réclament un débat sur l’exploitation des hydrocarbures et non une loi sur la manière de les exploiter?
Écouterez-vous le monde municipal ? L’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoises des municipalités dénoncent les menaces que ce projet de loi fait peser sur la sécurité de l’eau potable et la gestion du territoire. La FQM exige même un moratoire de cinq ans.
Écouterez-vous les 16 municipalités de la MRC de La Mitis qui, aux prises avec les projets de Squatex et de Petrolympic, s’opposent unanimement à ce type d’activité? Écouterez-vous Gaspé, dont la demande répétée d’un BAPE reste sans réponse, même si Pétrolia y envisage maintenant la stimulation chimique et la fracturation hydraulique? Écouterez-vous le préfet de la Minganie, qui rejette l’exploration sur l’île d’Anticosti ?
Écouterez-vous l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, qui a exprimé sa colère devant ce projet de loi? Les communautés Mi’gmaq qui s’opposent catégoriquement à la fracturation hydraulique et à la stimulation chimique sur leurs territoires? La communauté innue d’Ekuanitshit, qui a menacé d’occuper l’île d’Anticosti si des forages devaient y être réalisés?
Écouterez-vous les juristes ? Le projet de loi donnerait d’emblée aux pétrolières et gazières des droits réels immobiliers sur le sous-sol de 56 000 km², l’équivalent de 51 % du Québec habité! Les territoires ainsi « claimés » comprennent d’immenses secteurs résidentiels, des terres agricoles, des réserves fauniques, la ZEC du Bas-Saint-Laurent et des aires protégées potentielles. Des spécialistes ont affirmé que « ce projet de loi fait primer les intérêts à court terme de l’actionnariat privé sur le bien commun durable ». Le président de la Chambre des notaires s’est lui-même inquiété de « la sécurité des titres fonciers ».
Écouterez-vous les scientifiques et les environnementalistes ? Le Regroupement des organismes de bassins versants, un collectif scientifique et la Coalition Eau Secours ! ont exposé les risques de contamination irréversible de notre patrimoine hydrique. Les groupes environnementaux ont souligné l’invraisemblable incohérence entre vos engagements de Paris sur le climat et ce projet de loi obsolète.
Écouterez-vous les citoyens ? Ils n’en finissent plus de s’opposer à l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Ils l’ont répété au BAPE, aux élu.e.s, aux médias; tonné sur des pancartes; scandé dans la rue. Ils en ont ras le bol de le répéter!
…Ou écouterez-vous les compagnies qui ont fait main basse sur le sous-sol du Québec, pour quelques cents l’hectare, et trépignent d’impatience devant la perspective de renforcer leur emprise ?
Qui aura votre oreille ? Qui sont les véritables maîtres chez nous ?
Nous le saurons bientôt puisque la commission chargée d’étudier le projet de loi 106 « concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 » a déjà commencé ses travaux.
Monsieur le Premier Ministre, vous avez encore une ultime occasion de corriger le tir, en en retirant le chapitre IV, sur les hydrocarbures, avant qu’il ne soit adopté. De grâce, saisissez-la.
Le comité de coordination du Front commun pour la transition énergétique
Patrick Bonin, Greenpeace
Ariane Cimon-Fortier, Eau secours ! la Coalition pour une gestion responsable de l’eau
Carole Dupuis, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
Marie-Ève Leclerc, Stop Oléoduc Portneuf – Saint-Augustin
Jacques Tétreault, Comité des Citoyens et Citoyennes pour la Protection de l’Environnement Maskoutain
Les membres du Front commun pour la transition énergétique, octobre 2016
Le Front commun pour la transition énergétique est une alliance historique entre plus de 50 groupes citoyens, environnementaux, autochtones et issus de la société civile.
Action Environnement Basses Laurentides
Association des propriétaires Privés, Agricoles (horticoles) et Forestiers (ApAF)
Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE)
Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
Centre de ressources sur la non-violence (CRNV)
Coalition Vigilance Oléoducs (CoVO)
Collectif Moratoire Alternatives Vigilance Intervention (CMAVI)
Conseil Central du Montréal Métropolitain – CSN
Conseil de bande de Kanehsatà:ke
Eau Secours! Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau
Énergie Alternative
Groupe de recherche appliquée en macroécologie
Groupe de Recherche d’Intérêt Public de l’UQAM (GRIP UQAM)
Groupe d’initiative et de recherches appliquées au milieu (GIRAM)
Marche des peuples pour la Terre mère
Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville
Mur de femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux
NON à une marée noire dans le St-Laurent
NON à une marée noire dans le St-Laurent
Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) représentant près de 80 organisations membres
Regroupement citoyen contre les bitumineux et pour le développement durable
Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) représentant plus de cent vingt comités locaux
Saint-Antoine-de-Tilly – Milieu de vie
Stop Oléoduc Bellechasse et Lévis
Stop Oléoduc Capitale nationale
Stop Oléoduc Montmagny-L’Islet
Stop Oléoduc Portneuf Saint-Augustin
Société pour Vaincre la Pollution (SVP)